Il y a les écoles d’élite et il y a l’ENA, la petite école supérieure française qui a formé des présidents et des premiers ministres avec une telle constance qu’il n’est pas exagéré de dire que la France est dirigée par ces « énarques ».
L’établissement formateur de l’élite politique
Le président Emmanuel Macron a fréquenté cette école de spécialisation pour hauts fonctionnaires basée à Strasbourg. Tout comme les deux Premiers ministres qu’il a nommés. Tout comme son prédécesseur, François Hollande. Tout comme Jacques Chirac. À une époque où la fracture sociale s’accentue, aucune autre institution n’a symbolisé l’élitisme français, essentiellement masculin, aussi clairement que l’École Nationale de l’Administration.
Aujourd’hui, elle a disparu. M. Macron a annoncé jeudi la fermeture de l’ENA et son remplacement par un nouvel Institut du service public, ou ISP, dans le cadre de ce qu’il a appelé une « révolution profonde du recrutement dans la fonction publique ». Cette décision, à un an d’une élection présidentielle, vise à signaler la détermination de M. Macron à démocratiser les opportunités et à créer un service public plus transparent et efficace. Plus tôt cette année, il a déploré le fait que l’ascenseur social français était en panne et fonctionnait moins bien qu’il y a 50 ans.
L’ENA disparaît-elle vraiment ?
Selon un communiqué de la présidence, la fermeture de l’ENA s’inscrit dans le cadre de « la plus importante réforme de la haute fonction publique » depuis la création de l’école et des autres établissements publics par Charles de Gaulle en 1945. A l’époque, une France détruite par la guerre et déshonorée par la collaboration de Vichy avec les nazis devait reconstruire entièrement son Etat démocratique.
Le communiqué indique que les futurs diplômés devront être plus mobiles, en allant travailler d’abord dans des emplois régionaux pour acquérir une expérience sur le terrain avant d’occuper des postes de « direction, de contrôle ou de jugement ». Les promotions ne seraient plus fondées sur la durée de l’expérience, mais sur les performances et la volonté avérée de se déplacer dans le pays.
L’ENA a été largement critiquée comme étant un club privé offrant une adhésion à vie aux initiés. Seul 1 % de la dernière promotion de 80 élèves avait un parent ouvrier. Les futurs « énarques » venaient principalement de familles aisées professionnellement ; ils sont passés dans un monde doré d’opportunités dans les secteurs privé et public. M. Macron est « l’enfant prodige » de ce processus, devenant président à l’âge de 39 ans, après être sorti de l’ENA 13 ans plus tôt.